Dix ans maintenant que j'occupe une place de professeure à Poudlard. Dix ans maintenant que je fraye quotidiennement près de dix mois dans l'année avec des traîtres à leur sang, des amoureux de moldus et des sang-de-bourbes tout en devant sourire et faire comme si j'étais d'accord avec eux et leurs idéaux avilissants pour notre sang. Si cela est parfois épuisant, le jeu n'en vaut pas moins la chandelle, me faisant véritable couleuvre dans l'un des bastions ennemis. Dans un lieu que le pire ennemi du Seigneur des Ténèbres revendique comme sien depuis bien trop longtemps. Alors bien sûr que je dois tout faire pour conserver cette place. Une place de choix pour rester au courant d'une partie des allers et venues de ce cher directeur méprisé, mais aussi pour déceler les jeunes sorciers prometteurs se reconnaissant dans notre cause.

C'était dans cette optique que j'avais appris l'art de l'occlumencie, avant de devenir enseignante de botanique au sein du château écossais. Une manière de m'assurer de protéger mon esprit pour garder mes véritables opinions pour moi-même, au milieu de toutes ces personnes pouvant douter de ma bonne foi. A juste titre d'ailleurs étant donné que justement, la plupart de ce que je leur raconte n'est qu'un tissu de mensonge. Mais quoi qu'il en soit, il vaut mieux se préparer à ce genre de chose et s'assurer de rester indéchiffrable pour l'ennemi que de se faire bêtement dévoiler par un legilimens. Et la legilimancie justement, j'ai voulu m'y mettre depuis quelques temps. Un moyen de calmer sans doute un peu ma paranoïa naissante dans certaines situations, pour m'assurer que mon interlocuteur n'est pas en train de chercher à me piéger d'une manière ou d'une autre, mais aussi pour me faciliter les choses dans le repérage de futurs fidèles au Seigneur des Ténèbres. Le seul problème reste que j'ai bien plus de difficulté à apprendre cette discipline que sa sœur contraire. Les leçons ne se passent pas toujours dans le plus grand des calmes de ma part et de la meilleure des manières possibles pour la personne me servant de professeur. Et à cela vient s'ajouter une nouvelle difficulté de taille : celui chargé par le Seigneur des Ténèbres de m'apprendre la legilimancie s'est fait arrêter par les aurors le mois dernier. Cet imbécile. En plus d'être un professeur navrant, il était un mage noir tout aussi pathétique…

Résultat, la stupidité de cet homme m'avait fait prendre près d'un mois de retard dans l'apprentissage de cet art complexe. Et bien que je ne me sois pas plainte d'échapper ainsi à un mois de migraine et d'occasionnel saignements de nez, il n'en reste pas moins que je ne progresse plus dans ma formation. Un problème qui devrait prendre fin ce soir, un nouveau professeur m'ayant été trouvé pour reprendre mes cours, bien que je n'ai pas encore eu l'honneur de connaître l'identité de ce nouveau mentor. On m'a simplement prévenu de me rendre au même endroit que lors de mes leçons précédentes, ce soir, à 22 heures. Bien qu'il soit déjà 22h passé de quelques minutes quand je transplane devant cette maison inoccupée depuis près d'un an, pas très loin du QG des miens, et qui nous a servi de lieu d'entraînement avec mon ancien professeur. Qui puis-je moi, si l'ancien propriétaire des lieux a mystérieusement disparu après avoir voulu bravé la peur des gens des environs pour s'aventurer là où il n'aurait pas dû ?

Depuis l'extérieur de cette bicoque, je pousse un léger soupire en apercevant le faible éclat d'une lumière à travers un petit jeu dans le volet en bois d'une pièce à l'étage. C'est bien, mon nouveau professeur a également eu les bonnes instructions sur l'endroit où me retrouver pour m'apprendre la legilimancie. Comme à mon habitude je fais en sorte d'arriver légèrement en retard. Pas plus de cinq minutes. Juste assez pour me faire désirer, mais pas assez pour paraître impolie. Et il est effectivement 22h04 quand je finis de monter les escaliers menant à l'étage. Je parcours en quelques secondes les mètres me séparant encore de la pièce dans laquelle m'attend mon nouveau maître legilimens, commençant déjà à retirer la capuche de ma cape pour apparaître à visage découvert. Toujours soigner ses entrées, on n'a jamais trop cessé de me l'apprendre et de me le répéter, que ce soit ma mère ou chez les Greengrass après mon mariage. Pourtant, lorsque mon regard émeraude se relève pour découvrir l'identité de mon nouveau professeur, je ne peux m'empêcher de me figer de surprise.

- C'est une plaisanterie ?!

Laisse-je échapper après quelques secondes de silence à fixer Virus dans les yeux, comme incapable de me faire à l'idée d'être vraiment face à ma sœur cadette. Et j'ai de quoi être surprise après tout ! Depuis quand cette petite peste maîtrise-t-elle la legilimancie ? Bien que d'un côté, je dois bien avouer que j'ai sans doute raté bien des choses au sujet de mes sœurs depuis ces 22 dernières années, après que j'ai claqué la porte de mes parents pour épouser mon homme.