guiding light (kelsier)
glow in the dark :: — elsewhere — :: the time turner

guiding light
ft. @Kelsier Scamander theme song (avril 1984, 03:45pm -- repost)

tw : perte d'un enfant, deuil, cimetière
Depuis qu’elle n’est plus là, Evalyn redoute les mois d’avril plus que jamais. Il lui arrive parfois de s’imaginer appuyer sur le bouton avance rapide comme sur le magnétoscope qu’ils ont chez ses parents à York, ou le petit walkman que les petits se plaisent à emporter un peu partout avec eux. Mavis adorait le sien, d’ailleurs, c’était le dernier gadget à la mode que tout le monde s’arrachait au collège. L’adolescente en avait eu un pour Noël, quelques mois avant sa disparition. Jamais elle n’oublierait la manière dont son visage s’était illuminé une fois le cadeau déballé. La longue étreinte qui s’en était suivie. Une petite fille pleine de vie, c’est ce qu’elle était vraiment ; une petite fille qui avait tout l’avenir devant elle. Eva est fatiguée de compter les jours, sentir son coeur se tordre toujours plus à l’approche de ce triste anniversaire.

"Est-ce qu’on pourrait passer à la boulangerie avant ? Au cas où… on aurait faim. La tristesse ça creuse, le sucre ça fait disparaître tout ça. Pas vrai Colin ??" Un coup de coude peu discret donné à son petit frère pour appuyer ses propos, il finit par acquiescer, sans grande conviction cependant avant de lui souffler un "avoue que tu veux juste des bonbons Lucy" assez fort pour que leur mère l’entende. Mais elle ne les écoute qu’à moitié, ne fait pas tellement attention à ce qu’ils se racontent. C’est toujours une épreuve de se rendre là-bas, ils le savent, et marcher plutôt que de transplaner ou emprunter un portoloin lui faisait le plus grand bien. Alors Lucy hausse les épaules et Colin reste silencieux.

"Maman ? – Hm ? – Alors c’est oui, on peut ?" La voix de Lucy la tire de ses pensées et il lui suffit de poser les yeux sur la vitrine du petit commerce pour comprendre où elle voulait en venir. Ça a le mérite de lui arracher un petit sourire. "Bien-sûr, allez-y. Je vous attends juste ici. – Et c’est moi qui invite !" qu’elle lâche avant d’attraper le bras de son frère et de se précipiter à l’intérieur de la fameuse boulangerie. C’est qu’elle avait économisé pour leur acheter quelques douceurs, la petite Lucy, et elle comptait bien en faire profiter toute la famille ; Colin, sa mère mais aussi… son père. Puis elle-même et enfin, Mavis. Elle choisirait ces brioches aux formes amusantes, en prenant bien soin de sélectionner celles avec le plus de pépites de chocolat. C’est comme boire un verre en souvenir de quelqu’un mais version enfants avec viennoiseries et quelques sucreries. Si ça suffisait à réchauffer leurs petits cœurs, alors elle ne comptait pas les en empêcher. Qui plus est, Evalyn n’a pas la force de leur refuser quoi que ce soit aujourd’hui, encore moins de leur annoncer que leur père ne viendrait probablement pas voir Mavis avec eux. Comme l’an passé. Même s’ils devaient s’en douter, ils avaient insisté pour accompagner leur mère jusqu’au cimetière, au cas où elle se perdrait… parce que "les sorciers adultes de nos jours sont paresseux, à transplaner sans arrêt plutôt que marcher." (selon Lucy, toujours) L’air de la capitale lui semble irrespirable aujourd’hui, mais les enfants rendent l'atmosphère un peu plus supportable. Si bien qu’Eva ne remarque même pas qu’ils sont presque arrivés, le portail à quelques mètres seulement d’eux. "Tiens donc. Qui n'a pas voulu marcher l'autre jour pour rentrer à la maison, on se le demande. – C'était Lucy !!" Et avant même qu’elle n’ait le temps de les retenir, une course-poursuite entre les deux commence. Colin riant aux éclats et sa grande sœur, ralentie par ses achats à la boulangerie, qu’elle tenait fermement entre ses bras. Mais celle-ci s'arrête brutalement une fois devant Mavis. "Désolée Mave, je peux pas le laisser gagner. J'y retourne. Je sais que tu m'en voudras pas, regarde un peu ce que j'ai acheté. Et en plus j'ai une surprise pour toi, tu verras." avant de vite déguerpir, Colin l'ayant déjà repérée. "Je t'aime, bisous." Une surprise donc, Evalyn est bien curieuse d'en savoir plus.

En attendant, elle profite de ce moment de calme pour embellir les lieux, déposer de nouvelles fleurs et s'excuse de ne pas être venue les changer plus tôt. L'inscription sur la pierre dressée devant elle, MAVIS SCAMANDER, lui brise le coeur. A chaque fois. Le temps n'aide décidément pas à panser les blessures. Comment pouvaient-ils s'habituer à la perte d'un enfant... C'est impossible. Parfois, elle enviait l'insouciance des enfants. Ils ont cette force que les adultes n'ont plus. Quelques secondes plus tard, ou alors étaient-ce des minutes elle ne sait plus, les petits bras de Colin viennent l'enlacer. Lucy n'est pas très loin, jette constamment un oeil distrait vers les allées du cimetière. "Alors, tu vas nous montrer ce que tu as acheté ?" Il ne viendra pas, elle ne sait pas ce qu'elle attend. Kelsier n'est même pas au courant de leur venue aujourd'hui. C'est ce qu'elle croit, du moins. "Lucy ? – Je n'ai pas trop trop faim pour l'instant, je vais me promener encore un peu, tu viens Colin ? Je sais que tu veux ta revanche ! – Arrête de dire n'importe quoi, TU as perdu !! Parce que JE t'ai laissé gagner." Et il n'en fallait pas plus pour que ça recommence. Pas de goûter avant d'être au complet visiblement. "Toujours les mêmes, comme tu peux le voir. Ils sont intenables. Mais je sais que tu préfères ça. C'est trop silencieux ici, ils ont le mérite de mettre un peu d'ambiance au moins." La voilà de nouveau seule, avec Mavis et l'odeur agréable des brioches qui n'attendaient plus qu'à être dégustées.

guiding light
@Evalyn Hughes — avril 1984

tw: mort d'un enfant, deuil
Le portail du cimetière se tenait, imposant, à quelques mètres de lui, et Kelsier avait l’impression que ses pieds ne pourraient pas le porter plus loin. Il avait transplané sur le bord de la route, mais n’avait pas pu faire un pas depuis. Tétanisé devant ce lieu où il ne mettait les pieds qu’à de rares occasions, et bien souvent contraint et forcé. Il s’était fait violence pour venir aujourd’hui, en ce jour où, plus que n’importe quand dans l’année, il aurait préféré rester terré chez lui. Mais ses forces l’avaient abandonné à la vue du cimetière. Les souvenirs affluaient, ceux du jour funeste où ils s’étaient tous rendus devant ce même portail, où ils avaient traversé les allées jusqu’à l’emplacement vide. Le clan Scamander était là au grand complet, la communauté magique s’était également déplacée en masse pour apporter soutien et condoléances, pourtant Kelsier ne s’était jamais senti aussi seul que ce jour-là. Et le vide ne s’était jamais réellement comblé depuis. Machinalement, il tâta la poche intérieure de sa cape pour y attraper la fiole de whisky qu’il gardait toujours sur lui – pour se rendre compte qu’aujourd’hui, il l’avait laissée à la maison. Pas d’alcool avec les enfants, c’était la règle. Et pas d’alcool pour visiter Mavis, il ne voulait pas qu’elle le voie ainsi. Sa main retomba, lourde, le long de son flanc. Il n’était pas sûr de pouvoir y arriver.

Et puis soudain, une petite silhouette blonde apparut au portail du cimetière. Comme la maîtresse de ces lieux attendant son hôte, elle agita la main dans sa direction, le sourire aux lèvres, et lui fit signe de venir la rejoindre. Le cœur de Kelsier bondit dans sa poitrine et ses jambes s’animèrent d’elles-mêmes. En quelques enjambées, il traversa la route et rejoignit Lucy, puis la prit dans ses bras et la serra contre lui longuement. « Je savais que tu viendrais. » Lui souffla-t-elle au creux de l’oreille. Ses paroles réchauffèrent tout son corps, jusqu’à son âme glacée, lui insufflant un espoir inattendu. « Merci, ma chérie. » Il ne savait pas comment elle faisait ça. Lucy croyait toujours en lui, malgré les innombrables fois où il avait flanché. Et à chaque fois, il se promettait d’être meilleur, pour ne plus la laisser tomber. Pour être à la hauteur de cette lumière qu’elle faisait rayonner malgré les terribles épreuves qu’elle avait déjà dû subir. « Papa ! » Un autre corps le heurta doucement, une nouvelle paire de bras lui enserra la taille, et Kelsier ajouta Colin dans leur étreinte. « Mes amours, vous m’avez manqué. » Ses deux enfants contre lui, c’était comme si son cœur s’était enfin remis à battre. Il n’était que l’ombre de lui-même quand il était séparé d’eux.

Ce fut Lucy qui s’écarta la première, et qui lui fit signe d’avancer dans le cimetière. « Allez, viens. Mave nous attend, je lui ai promis une surprise. » Il haussa les sourcils tandis qu’elle partait devant de sa démarche sautillante. Sûre d’elle et en apparence insensible au lieu, comme s’il ne s’agissait que d’un pique-nique sorti tout droit d’une période désormais révolue. Colin resta auprès de son père et glissa sa main dans la sienne. « Maman croyait que tu ne viendrais pas. Comme l’année dernière. » Avoua-t-il à mi-voix. Kelsier s’arrêta et s’accroupit devant le jeune garçon, le remord lui tordant l’estomac. « Je sais. Je regrette de ne pas être venu l’année dernière. Mais je suis là. Je veux être avec vous cette fois, et toutes les fois prochaines. » La promesse ne serait pas facile à tenir, mais puisqu’il l’avait faite, il ne pourrait pas y déroger. « Tu me pardonnes ? » Colin hocha la tête et esquissa un sourire timide, que Kelsier lui rendit avec soulagement. En même temps, Lucy se retourna et, les voyant loin derrière, revint sur ses pas pour les faire avancer plus vite. « Vous êtes d’une lenteur … » Elle semblait décidée à ne pas ruiner sa surprise, car elle resta avec eux et veilla à ce qu’ils ne s’arrêtent plus jusqu’à ce qu’ils rejoignent l’emplacement de la tombe de Mavis. Alors elle alla poser ses mains sur la stèle, adressa un sourire triomphant à sa mère, puis à la tombe elle-même. « Surprise ! On est tous là cette année, Mave. » Et Kelsier se retrouva devant Eva, la gorge sèche. « Bonjour. » Fit-il gauchement, avant de rapidement détourner le regard. Malheureusement, poser les yeux sur la pierre devant lui ne fit que creuser davantage le trou dans sa poitrine. Y lire le nom de leur fille était aussi difficile qu’au premier jour. Il approcha les doigts de la pierre, et l’effleura sans parvenir à la toucher aussi franchement que Lucy le faisait. Le contact était froid, impersonnel. Ce qu’il détestait ça. « Regarde, j’ai acheté tes préférées. » La voix de Lucy s’éleva à nouveau, claire et rassurante, le détournant de ses pensées. Elle s’adressait toujours à sa sœur comme si elle se trouvait là, et Kelsier ne pouvait qu’admirer la force incroyable dont elle faisait preuve. Elle déballa son sachet de viennoiseries et les fit passer à la ronde. Kelsier, un peu incrédule, croisa le regard d’Eva et lui adressa un sourire. Il était tellement fier de leurs enfants, malgré la douleur qui le ravageait. « C’est … une très bonne idée, Lucy. Merci d’y avoir pensé. » L’attention était adorable, même s’il n’avait pas faim du tout. Il prit la brioche qu’elle lui tendait, en forme de botruc bien dodu. Il vit qu'Eva avait eu un dragon, Colin un niffleur, et Lucy s'était gardé un hippogriffe. La dernière brioche, modelée en phénix, fut déposée sur la tombe.

guiding light
ft. @Kelsier Scamander theme song (avril 1984, 03:45pm)

tw : perte d'un enfant, deuil, cimetière
C’est étrange comme sensation, de se rendre dans ce genre d’endroit sordide pour rendre visite à sa fille, pourtant si pleine de vie dans ses souvenirs. Il lui arrive parfois d’oublier qu’elle n’est plus là… quelques secondes ou bien des minutes, le temps d’une sieste, parfois. Et quand l’esprit est clément et la fatigue bien trop écrasante, c’est toute la nuit qu’elle passe à ses côtés. Le retour à la réalité est difficile, même si Evalyn ne renoncerait pour rien au monde à ces moments de réconfort, son rire mélodieux s’élevant dans les airs, la chaleur de son petit corps qui l’enlace ou encore la beauté de ses yeux, du moins cette façon qu’elle avait de leur transmettre tout son amour, d’un simple regard. Mais elle n’y arrive pas, rester forte. Elle n’y arrive pas. Elle devrait pourtant s’assurer que les enfants ne sont pas loin, ou bien qu’ils le sont assez pour ne pas la voir dans cet état.

Les rires de Lucy et Colin s’évanouissent dans les airs, et le sourire d’Evalyn aussi. Elle voudrait se libérer de sa bulle, en sortir et enfin avancer. Tout comme elle s’obstinait à y rester. Elle ne peut pas se résoudre à la laisser s’en aller, l’abandonner alors qu’en réalité, Mavis ferait tout son possible pour alléger la peine de sa maman. Celle de son père aussi, et du reste de leur famille. La vision se brouille, mais elle reste immobile, comme pétrifiée, fixe toujours son prénom gravé à même la pierre. Il fait si froid, elle doit avoir si froid, seule ici. "J’essaie Mavis, vraiment." Elle marque une pause, hésite à en dire plus. "Ton père aussi." Mavis le sait déjà, ça. Mais peut-être que se l’avouer à elle-même, l’admettre à son tour l’aiderait un peu. Alors elle attend, comme si Mave allait lui répondre. Quelques petites larmes perlent le long de ses joues, essuyées d’un revers de main. "Désolée… Tu me manques, c’est tout."

Le retour fracassant de Lucy et toute cette douceur qu’elle n’avait pas l’arrache de ses pensées, mettent fin à ce petit tête-à-tête privilégié avec l'aînée. La chaleur regagne les lieux, et le cimetière revêt ses teintes printanières quand tout était si terne l’instant d’avant. Le sourire de cette petite fripouille est communicatif, et Evalyn se relève d’un bond en espérant être assez rapide pour l’attraper au passage. Mais elle finit par buter sur ses mots, une fraction de seconde : "C-comment ça ? Lu– Bonjour." Pour une surprise, c’en était bien une. Elle ne sait pas quoi en penser alors elle se contente de le regarder, s’assure qu’il ne disparaîtra pas à l’instant où elle clignerait des yeux. Et elle voit la main de son époux, non, ex-époux, s’avancer vers la pierre sans parvenir à s’y poser. Lui aussi essaie, vraiment. Elle aurait voulu réussir à lui transmettre un peu d’énergie, mais la sienne s’épuisait devant cette triste image, forcée d’admettre que le temps n’avait en rien allégé leur peine.

Les viennoiseries distribuées, elle imagine déjà Colin pester contre Lucy, qui s’était réservée l’hippogriffe. Mais le botruc bien dodu de papa avait réussi à détourner l’attention de leur petit dernier. "Tu crois que ce coup était calculé ?" Elle jurerait presque avoir vu Lucy étouffer un rire discret, guettant du coin de l'œil la réaction de son frère. Puis elle lâche un soupir alors qu'elle n'arrive pas à se défaire de cette pensée. "Un phénix, c’est censé renaître de ses cendres, non ? Elle me surprendra toujours." Le regard dévie vers Mavis. "Merci, d’être venu." Sincèrement. Un léger sourire étire ses lèvres. Elle n’arrive pas à trouver l’appétit et remarque que lui non plus. "T’as une mine affreuse, Kel..." Elle aussi, même si ça ne l’empêche pas de le lui faire remarquer la première. Ça la fait rire, un peu. Le genre de rire triste, sans le moindre reproche, inquiète plus qu'elle ne saurait l'admettre. "Un botruc, donc." Vite avant que ces estomacs sur pattes leurs servant d'enfants ne viennent voler ce précieux goûter.

guiding light
@Evalyn Hughes — avril 1984

tw: mort d'un enfant, deuil
Il ne savait quoi lui dire, ne savait comment réagir. Le lieu, les circonstances … L’émotion lui enserrait la gorge comme un étau et il n’était pas dans les meilleures conditions pour adresser la parole à Evalyn. Lucy parvint, comme toujours, à rompre la glace par son initiative tellement attentionnée. Les viennoiseries distribuées, le partage fit naître une conversation animée entre les deux enfants. Parce que c’était papa qui avait écopé de l’infamant botruc, celui que personne ne voulait jamais. Une ombre de sourire flotta sur les lèvres de Kelsier en tournant le petit gâteau entre ses doigts. Une chose aussi petite et insignifiante, qui faisait remonter tant de souvenirs … Mavis, Lucy et Colin s’étaient disputés maintes et maintes fois à ce sujet, au point qu’Eva et Kelsier, quand ils se rendaient dans cette pâtisserie particulière, devaient faire attention à ne jamais prendre le botruc. Après, la bataille s’engageait sur les autres créatures, mais jamais aussi férocement que pour le pauvre petit botruc.

« Tu crois que ce coup était calculé ? » Kelsier releva les yeux vers Evalyn, ne sachant pas si elle parlait du botruc ou plus généralement de sa présence ici. Mais la réponse était la même. « Evidemment. Elle est devenue machiavélique, ces derniers temps. » Ajouta-t-il avec un regard affectueux pour la jeune fille, en train d’expliquer à son frère qu’il n’y avait rien de honteux à avoir le niffleur, que c’était le préféré de son oncle Hernán et que cela devrait lui suffire comme raison. Lucy avait tout planifié à l’avance, sans laisser aucun détail au hasard. Elle était incroyable. « Un phénix, c’est censé renaître de ses cendres, non ? Elle me surprendra toujours. » Il hocha la tête, incapable du moindre mot. L’image était bien trouvée, même s’il y aurait aucune renaissance pour Mavis. Peut-être que Lucy avait simplement voulu leur signifier qu’elle vivait encore parmi eux, même s’ils ne la voyaient plus … « Merci, d’être venu. » Nouvel hochement de tête. « C’est Lucy qui m’a demandé de venir. » Révéla-t-il à mi-voix, pour que les enfants ne l’entendent pas. « Elle m’a écrit la semaine dernière. » Une façon d’avouer qu’il ne serait sans doute pas là si elle ne l’avait pas fait. Ce matin encore, il ne se sentait pas le courage de venir. Mais il était là. Et étrangement, il en était soulagé. « T’as une mine affreuse, Kel... » La petite phrase, assortie du rire d’Eva, fit naître une drôle de sensation au creux de son estomac. Ca faisait combien de temps qu’il ne l’avait pas entendue rire ? Et même si cela n’avait rien à voir avec le véritable rire, franc et joyeux, qu’il lui connaissait avant le drame … C’était un rire quand même. Et il aurait adoré qu’elle recommence. « Merci, vraiment. » Machinalement, il se passa la main dans sa barbe hirsute, un sourire aux lèvres. « Tu … n’es pas mal non plus. » Il avait faillit dire autre chose, s’était retenu de justesse. Il aurait été malvenu de lui dire à quel point il la trouvait belle, ici, maintenant, malgré la fatigue, la peine, l’absence de Mavis, le divorce. Il la trouvait toujours belle. Mais ce n’était pas quelque chose à dire à son ex-femme.

« Un botruc, donc. » Il haussa les sourcils. « Hm ? » Ah, oui, le botruc. Il l’avait oublié, l’espace d’un instant. « Tu veux échanger ? Je prends le dragon, si tu veux. » Il lui tendit sa pâtisserie, un sourire narquois aux lèvres. « Papa ! » Une exclamation autoritaire le fit se retourner, et il vit Lucy, la bouche pleine et les mains sur les hanches, qui le fixait d’un air réprobateur. « Pas d’échange ! En plus, c’est ton animal-totem, tu ne peux pas l’échanger. » En voilà une nouvelle ! « Mon animal-totem ? » Répéta-t-il, surpris. « Bah oui. Le gardien des arbres, tout ça. C’est aussi le préféré de papi en plus, je vois pas de quoi tu te plains. » Alors là ! L’argument du préféré de papi semblait très peu recevable aux yeux de Kelsier, qui savait que son père avait des centaines de créatures préférées et qu’il aurait été incapable de choisir, même au péril de sa vie. Gardien des arbres était tout aussi incongru, mais l’image était déjà beaucoup plus sympathique. « Et l’animal-totem de maman, c’est un dragon ? » Protesta-t-il, pour la forme. « Bien sûr. » Répondit Lucy d’un ton très sérieux. Même Colin avait hoché la tête doctement – et il s’y connaissait en dragons, au grand dam de Kelsier. « Je dirais un Opaloeil des antipodes. » Précisa l’enfant à mi-voix, les yeux plissés, en fixant sa mère d’un air pénétré. Cette fois ce fut Lucy qui opina du chef. « Et Mavis était d’accord avec nous. » Kelsier se tourna vers Evalyn et échangea avec elle un regard aussi amusé qu’incrédule. « Tu trouves aussi que mon animal-totem est un botruc ? » Quelle déchéance !

guiding light
ft. @Kelsier Scamander theme song (avril 1984, 03:45pm)

tw : perte d'un enfant, deuil, cimetière
Une brise légère vient rafraîchir les lieux, rend tout de suite plus agréable cette pause pleine de douceur au milieu d'un malheur trop conséquent. Ça lui manquait, leurs moments de partage où un rien suffisait, ce bonheur quasi permanent et les tracas du quotidien, oubliés une fois la porte du foyer fermée. “On se demande de qui elle tient.” De justesse, elle se retient de doucement le bousculer. “Si tu la voyais à Poudlard… à mener son petit monde à la baguette. C’est beaucoup trop drôle.” Attendrissant, même. Et une chose est sûre, ils peuvent être fiers de leur petite famille. Fiers d’être leurs parents, même si plus rien ne serait pareil, sans Mavis. Tout ira bien, ils sont solides. Bien plus que nous. Des moments de silence plutôt apaisant entrecoupés par les chamailleries des petits ; alors autant en profiter. Les regrets et tout ce qui s’y rapportait finiraient bien vite par les rattraper.

“Regarde-les un instant.” S’amuser comme si rien n’avait changé. Jusqu’à oublier où ils étaient, les circonstances de cette réunion improvisée. “A mon humble avis, ça n’a aucune importance, tu crois pas ?” Le regard reste fixé sur Colin et Lucy, dont les rires remontaient jusqu’à leurs oreilles. “T’es là et – c’est tout ce qui compte. t’es là.” Peu importe, que Lucy l’ait prévenu ou qu’il soit venu de son propre chef. Qu’il ne se torture pas l’esprit inutilement, lui aussi a le droit à un peu – beaucoup même – de répit. Même si ça n'était pas censé durer.

C'est plutôt rassurant de constater que certaines choses n'avaient pas changé, cette manie de passer constamment une main dans sa barbe en était l'exemple parfait. “Mais je t'en prie.” Le sourire s'étire d'autant plus comme pour l'accompagner avant de simplement lâcher un discret “Je sais.” Le sujet du goûter remis sur le tapis, elle ne peut s’empêcher de se remémorer cette règle d’or, instaurée du vivant de Mavis. “Je doute que – Papa ! – Ça, voilà.” Geste insensé loin d'être apprécié par la gamine. Evalyn se retourne également, par pur réflexe, retient difficilement un rire en voyant ses petites joues arrondies. Intenable vraiment. Elle se devait de l'admettre : le coup de l'animal totem est très malin, mais celui du préféré de papi fonctionnait beaucoup moins. Et le plus étonnant restait Colin, presque en accord avec son aînée. “Rien que ça, un Opaloeil des Antilles ? erreur volontaire très vite rectifiée par Colin : des Antipodes, maman.” Elle échange un regard complice avec leur fils, détaille Kelsier mais le verdict est déjà tombé.

“Hmmm, laisse-moi réfléchir… T’es sur un terrain très très glissant Kelsier. On va éviter de relancer le débat à ce sujet.” Elle marque une pause, l'argument de Lucy est en effet imparable. “Alors si Mavis – la tête se tourne instinctivement vers sa droite, où la petite venait souvent se réfugier avant de constater qu’elle n’était pas là – si Mavis était d’accord avec vous, alors, hum, impossible de contester.” Colin vient s'asseoir près de sa mère et Evalyn passe son bras autour de lui. Quant à Lucy, elle s'avance à grand pas mais avec des intentions bien moins honorables. Se positionnant en tant qu'arbitre, elle fronce les sourcils et passe une main sur son menton, à l'image de Kelsier un peu plus tôt. Elle les dévisage, tour à tour d'un air sérieux, tout sauf crédible. “Le jury a délibéré. Maestro roulement de tambouuuur. Colin se met à taper des pieds au sol, invite ses parents à en faire de même. Non mais dites-moi que c'est un rêve.” Coup d'oeil furtif vers Kelsier.

Y'a ce sourire au coin des lèvres et dont elle n'arrive plus à se défaire, qui finit par se transformer en un léger rire étouffé. “Désolée Kelsier. Mais le Gardien des Arbres, c’est plutôt sympa, non ? ” Ça lui correspond bien, du moins. Lucy fait sa révérence pour ensuite venir se jeter au cou de son père ; elle lui souffle un petit secret au creux de l'oreille. “Ils n'avaient plus d'Oiseau-Tonnerre, désolée, mais on voulait vous faire rire, tous les deux.” Ça a marché, visiblement. Elle dépose un tendre baiser sur sa joue puis s'assoit sur les genoux de ce dernier. “Et maintenant, la question que vous vous posez tous – son regard dévie de manière trop intéressée vers Mavis, ou plutôt son goûter – la crème de la crème, le bouquet final... qui mangera le phénix ? Soit on négocie, soit le premier arrivé l'emporte ?” Lucy, Lucy, si drôle et impitoyable à la fois, un véritable estomac sur pattes. Colin se lève d'un bond, trace une ligne au sol et laisse quelques secondes pour que d'éventuels participants fassent un choix. “Alors vous venez ou pas ?” Elle interroge Kelsier en lui faisant un signe de tête vers cette fameuse ligne de départ improvisée. Il suffisait de les voir là, retomber dans leurs plus belles années pour réaliser à quel point ils avaient besoin l'un de l'autre pour avancer. Constater que tout, absolument tout est dans leurs regards complices;

guiding light
@Evalyn Hughes — avril 1984

tw: mort d'un enfant, deuil, cimetière
On se demande de qui elle tient. Kelsier préféra ne pas répondre, mais pensait bien avoir la réponse. Evalyn avait fait preuve de bien plus de force et de résilience que lui, à sa manière. Mais le sujet avait alimenté tant de leurs disputes, les menant droit au divorce, que l’évoquer même dans ces conditions, même dans ce qui lui semblait être un compliment … Ce n’était pas une bonne idée. « Si tu la voyais à Poudlard… à mener son petit monde à la baguette. C’est beaucoup trop drôle. » Il sourit, les yeux rivés sur Lucy. Il adorerait voir ça. C’était un réel déchirement de ne pas pouvoir suivre les enfants, les voir évoluer à Poudlard. Il ne pouvait que constater à chaque vacances qu’ils grandissaient à une vitesse folle et que leur vie se menait loin de lui. Il ne pouvait s’empêcher de ressentir de l’amertume – de la jalousie ? – envers Evalyn, qui avait la possibilité de les voir au quotidien. Sans partager ensuite ce quotidien avec lui. Un autre aspect du divorce qu’il n’avait pas encore digéré.

Mais l’amertume n’avait pas sa place en cet instant, alors que Lucy faisait de son mieux pour les divertir et que Colin entrait dans son jeu avec entrain. Malgré tout, Kelsier avait craint qu’Eva ne lui reproche une nouvelle fois d’avoir tenté d’esquiver sa venue ici, mais elle n’en fit rien. Aujourd’hui ne serait pas le théâtre d’une énième dispute. Pas devant la tombe de Mavis. Pas alors qu’ils faisaient tous des efforts pour que les choses se passent bien. Et il leur en était vraiment reconnaissant. Il hocha la tête à l’intention d’Eva, avant que la grande question du botruc et des animaux-totem ne les accapare complètement. « Rien que ça, un Opaloeil des Antilles ? » Machinalement, Kelsier rectifia le nom en l’articulant en silence, en même temps que Colin corrigeait sa mère. D’où sortait-il ce genre de détail aussi précis ? Le petit garçon n’avait pas vu son grand-père depuis un moment, et les dragons n’étaient pas au programme des premières années – Merlin en soit remercié – il devait donc forcément s’agir d’Ezekiel. Kelsier lui en toucherait un mot, il n’aimait pas que son fils soit aussi intéressé par des créatures si dangereuses. Et il n’aimait pas que ses oncles l’encouragent dans cette voie ! Pourtant, une part de lui était fière que Colin soit aussi calé dans un sujet si pointu, quel que soit le sujet.

« Hmmm, laisse-moi réfléchir… T’es sur un terrain très très glissant Kelsier. On va éviter de relancer le débat à ce sujet. » Il haussa exagérément les sourcils, attendant le verdict qui serait forcément mauvais pour lui. « Alors si Mavis était d’accord avec vous, alors, hum, impossible de contester. » Kelsier émit un grognement de déception, qui tira un petit rire à Colin et à Lucy. Il allait devoir se contenter du botruc ! Et bien entendu, Lucy en fit des tonnes pour confirmer le jugement. « Le jury a délibéré. Maestro roulement de tambouuuur. » Colin s’en donna à cœur joie pour taper des pieds au sol, donnant à toute la scène une dimension encore plus clownesque. « Non mais dites-moi que c'est un rêve. » Il tourna la tête et échangea un regard avec Eva, retrouvant l’espace d’un bref instant leur complicité d’autrefois. « Désolée Kelsier. Mais le Gardien des Arbres, c’est plutôt sympa, non ? » Il grimaça d’un air tragique. « Puisque c’est ma destinée … J’accepte le botruc. » Il leva la viennoiserie devant lui comme un trophée, bien haut, puis le porta à sa bouche et arracha la tête du gâteau d’un coup de dent sous les acclamations de ses enfants. « Merci, petit botruc. » Fit-il, la bouche pleine. Il n’avait pas faim, mais le goût lui rappelait des bons souvenirs. Lucy vint alors se glisser contre lui, l’enlaçant de ses bras. Il la serra contre lui alors qu’elle lui soufflait à l’oreille son secret. « Ils n'avaient plus d'Oiseau-Tonnerre, désolée, mais on voulait vous faire rire, tous les deux. » Elle lui plaqua un baiser sur la joue, qu’il lui rendit avec tendresse. « Merci ma chérie, c’était très réussi. Et ne t’en fais pas pour l’oiseau-tonnerre, je préfère mille fois mon botruc. » Elle s’assit sur ses genoux, comme quand elle était petite, et il l’entoura de ses bras, son menton posé sur son épaule. A côté, Evalyn enlaçait Colin. Il ne leur manquait plus que Mavis. Elle avait dépassé l’âge de monter sur leurs genoux et de leur faire des câlins, elle était dans cette période compliquée de l’adolescence où elle évitait les contacts avec ses parents. C’est dans les bras de quelqu’un d’autre qu’elle s’était envolée. Loin d’eux. Le souvenir le frappa avec violence et Kelsier ferma les yeux. Pendant un instant, elle lui manqua tellement qu’il en eut le souffle coupé. « Et maintenant, la question que vous vous posez tous » Il rouvrit les yeux, arraché à sa souffrance par la voix claire de Lucy qui résonna contre sa poitrine. « La crème de la crème, le bouquet final... qui mangera le phénix ? Soit on négocie, soit le premier arrivé l'emporte ? » L’ange était passé, chassé par l’enthousiasme des enfants. « Alors vous venez ou pas ? » Déjà Colin trépignait, rejoint par Lucy sur la ligne de départ. Eva lui lança un regard interrogateur, et il força un sourire à ses lèvres. « Hors de question qu’on vous laisse le phénix sans se battre. » Il se leva à son tour et tendit la main à Eva pour l’aider – et la forcer – à le suivre. Ils avaient encore deux enfants. Deux incroyables enfants, plus forts qu’eux-mêmes ne le seraient jamais. Malgré l’envie qu’il en avait, Kelsier ne pouvait pas rester prostré dans sa douleur. Pas alors que Lucy et Colin déployaient autant d’efforts pour l’en détourner.

Ils se mirent en file sur la ligne, au milieu des tombes. « Attention au départ ! » Cria Colin tandis que Lucy vérifiait avec autorité que personne ne dépassait de la ligne. Au loin, Kelsier vit un couple de personnes âgées qui les regardaient d’un air réprobateur, et il leur fit un signe de la main aussi chaleureux que provocateur. Il n’avait aucun remord à tout ce boucan – les morts ne risquaient pas de se plaindre du bruit, eux. « Prêts ? Partez ! » Lucy et Colin filèrent comme des flèches, et Kelsier courut derrière, assez vite pour ne pas être accusé d’anti-jeu, mais pas assez pour les rattraper. Même s’il l’avait réellement voulu, il n’était pas sûr de pouvoir courir plus vite qu’eux, de toute façon. La course se termina en quelques secondes et Lucy poussa un cri de victoire qui dut s’entendre jusqu’à l’autre bout du cimetière. « J’ai gagné !! » Elle rafla le phénix sous le regard boudeur de son frère. Il y eut un instant de flottement où elle savoura sa victoire, puis elle poussa un soupir déchirant. La jeune fille regarda la pierre tombale de sa sœur, l’air en proie à un profond dilemme … Puis soupira à nouveau. « D’accord, d’accord ! Je partage avec le second vainqueur. » Elle rompit le phénix en deux parts à peu près égales et en tendit une à Colin. « C’est bien pour te faire plaisir, Mave. » Grommela Lucy. « Merchi Mave. T’es une bonne chœur, toi. » Fit Colin à l’attention de la tombe, la bouche déjà pleine de viennoiserie. Les chamailleries entre les deux enfants reprirent de plus belle, et Kelsier se tourna vers Eva. « Ca a l’air tellement naturel, pour eux. De lui parler, comme si … comme si elle était toujours là. » Lui n’en était pas capable. « Tu fais ça, toi ? »

Evanesco Revelio

guiding light (kelsier) glow in the dark :: — elsewhere — :: the time turner

guiding light (kelsier)

guiding light (kelsier)
glow in the dark :: — elsewhere — :: the time turner