tantum me intueor why nott
but there's robbers to the east, clowns to the west
i'd give you my sunshine, give you my best
but the rain is always gonna come if you're standing with me
i could never give you peace
fin juillet 1980 ; manoir Nott, Londrestw: grossesseL'air était lourd et pesant.
L'été anglais pouvait être une souffrance en soi, si ce n'était sans compter sur ce poids constant que Cordelia transportait partout depuis bientôt neuf mois. Le terme était proche et la jeune femme n'avait qu'une hâte : que ce bébé au faciès inconnu vienne enfin au monde pour soulager ses lombaires et ses talons qui souffraient affreusement.
Le médicomage lui avait recommandé du repos. Le bébé viendrait quand le moment serait venu, il n'était pas nécessaire de s'agiter pour provoquer son arrivée. Alors, évidemment, Cordelia appliquait le conseil à la lettre. Depuis le matin, elle avait dû faire une dizaine d'allers-retours entre sa chambre et celle du bébé, peaufinant les derniers détails avant son arrivée. Tout devait être parfait. C'est ce qu'on lui avait appris. Elle pouvait le faire. Refusait l'aide extérieure de quiconque.
D'un caractère difficile en temps normal, la fin de sa grossesse n'avait été une partie de plaisir pour personne. Ni pour elle, ni pour ses médicomages, ses elfes ou encore Rhea, avec qui elle avait passé presque tout son temps depuis qu'elles avaient appris leurs grossesses simultanées. Même sa belle-sœur, Cordelia ne voulait plus la voir. Elle ne voulait plus voir personne.
À la vérité, la seule personne qu'elle voulait voir la fuyait depuis aussi longtemps que son ventre s'était arrondi.
Sa tâche accomplie, Marius s'était effacé comme une demiguise. Ses apparitions, déjà rares, étaient devenues anecdotiques. Il avait déserté le lit conjugal, partagé le temps de faire son devoir. En presque neuf mois, les époux Nott ne s'étaient presque pas adressé la parole.
Cordelia avait besoin d'être rassurée. De s’entendre dire qu'avoir cet enfant était une bonne idée. Qu'elle ferait une bonne mère, que le bébé serait en bonne santé. Qu'elle aurait une main à tenir, une épaule sur laquelle se reposer et un bras pour la protéger. Que tout se passerait bien.
Ces paroles, jamais, ne viendraient.
Wingardium Leviosa. Le module s'élève dans les airs, prêt à être accroché au-dessus d'un petit lit encore vide. Cordelia y est presque, lorsqu'elle lâche une exclamation de douleur, portant la main à son ventre, le module s'écrasant mollement au sol. Son cœur s'emballe, elle s'accroche au berceau de la main libre. De petites inspirations, comme on lui a appris. Mais elle le sait : le moment n'est pas encore venu. Il ne s'agit que d'une contraction, qui seront de plus en plus fréquentes à partir de maintenant.
Dommage. Elle a tellement hâte de rencontrer son enfant.
Heureusement. Elle a tellement peur de ce que sera la réalité.
Sa baguette a roulé près du module. Au moment de s'abaisser pour la reprendre, elle voit le module s'animer, s'élever dans les airs. Aller se placer exactement où elle avait l'intention de le fixer.
Une silhouette, dans l'embrasure de la porte.
Marius. À rôder tel un rapace dans le manoir en attendant le moment, lui aussi. Prêt à se saisir du fruit d'un travail dans lequel il n'aura joué qu'un rôle mineur. Les époux échangent un regard, Cordelia toujours aussi tendue, si ce n'est plus. Elle n'avait pas besoin d'aide, évidemment. Mais ce fardeau était lourd à porter, toute seule.
Sans un mot, elle lui adresse un petit mouvement du menton.
Ce n'est rien. Ce n’est pas pour maintenant. Qu'il décampe, la laisse dans la nurserie terminer de faire son nid.
Elle voudrait récupérer sa baguette, il a déjà bougé comme une ombre pour s'en saisir. Et ne pas encore lui rendre. Face à elle, il la dévisage d'un regard réprobateur, auquel elle adresse une expression de défi.
Qu'est-ce que tu vas faire ? M'aliter ? Il a la plus minime des expressions, dans un haussement de sourcil à peine visible.
Si nécessaire. Bruit de dédain, elle reprend sa baguette d'un geste brusque, la relâcherait presque sous une nouvelle secousse dans un cri étranglé. Marius l'attrape par le poignet, elle se rattrape d'instinct à son bras, une main toujours plaquée contre le ventre.
Non, non, ce n'est pas pour maintenant. Elle en est certaine. Alors pourquoi ça, pourquoi ça lui fait si mal ? Inspiration, expiration. Les paupières closes, à se concentrer, les ongles pressés dans la manche d’un costume tiré à quatre épingles. Le moment passe. Tout va bien.
Cordelia se redresse, voudrait récupérer son bras. Marius ne la lâche pas.
Petit mouvement sec pour attirer son poignet vers elle, mais rien n'y fait.
Ça va. Lâche-moi. Il a les sourcils froncés, elle ne devine pas cette fois pourquoi. Les obsidiennes observent longtemps l'arrondi, avant d'aller se fixer sur le visage aux traits tirés. La question est muette, mais claire.
Cordelia hausse un sourcil, redresse un rien le menton. Bref opinement.
Vas-y. Pourquoi pas ? La main, toujours gantée, de son mari, s'approche d'elle. D'un mouvement brusque et puissant, que lui confère la douleur, elle la repousse, croise son regard interloqué.
Non. Pas avec ça. Elle avait toujours été claire à ce sujet. Cordelia ne voulait pas être touchée avec
ça. Qu'il la touche, très bien. Mais qu'il la touche vraiment.
Subtil froncement de sourcils. Marius hésite. Les secondes passent, lentement. Il a toujours son poignet dans sa main, l'autre en suspension. Qu'il finit par lui tendre, doigts tendus. Doucement, elle enlève le cuir duquel il se pare toujours, leurs yeux fixés sur leurs mains pour ne pas se regarder.
À son tour, elle saisit le poignet de Marius. Lui aussi, est tendu, résisterait presque au mouvement qu'il a lui-même voulu intimer. Elle guide sa main, la pose contre elle, l'arrondi parfaitement épousé par la paume. Dans ce qui lui semble une éternité, il ne se passe rien. Puis...
Un son amusé lui échappe des lippes, elle capte l'attention de Marius.
Tu as senti ? Il a un peu écarquillé les yeux, dans la plus magnifique des surprises.
Oui. Cordelia pose ses doigts au-dessus de ceux de Marius, dans une attente, comme en apnée.
Un second coup. De pied, probablement. Elle rit, s'amuse sincèrement pour la première fois depuis longtemps. Sur le visage de Marius, un mélange d'émotions dissimulées sous une couche de contenance. Mais une pointe de sourire, juste là.
« - Bonjour, Theodore. »
Cordelia soupire doucement, un soulagement qui détend ses muscles tendus depuis trop longtemps.
Tout irait bien, finalement.
Marius venait de le lui dire.